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Éclairages

Le brusque changement d’environnement économique, monétaire et financier a de quoi déstabiliser plus d’un observateur. Que faire dans cet environnement aussi volatile que difficile à décrypter ?

En fait, l’analyse de la situation n’est pas aussi complexe qu’il n’y parait.

Quoi de plus normal en effet que la chute des actifs dopés à l’argent facile depuis 2008 et qui doivent subir maintenant le retrait de ces liquidités et un coût de financement plus élevé ? Et de se remémorer la phrase de Warren Buffet : « C’est quand la marée se retire que l’on voit ceux qui nageaient nus ».

L’inflation des actifs a fini par se transmettre à l’économie réelle aidée par la politique zéro Covid en Chine et la guerre en Ukraine. L’enjeu est maintenant d’enrayer une spirale inflationniste au risque de provoquer la paupérisation des populations les plus démunies. Et c’est ce à quoi essaient de s’attaquer les autorités monétaires en remontant les taux d’intérêt et en tentant de dégonfler les bilans des banques centrales.
Le problème est de taille : depuis 2008, ces bilans ont été multipliés par 10 fois par la banque centrale américaine (FED), par près de 7 fois par la banque du Japon (BOJ), et par plus de 6 fois par la banque centrale européenne (BCE). Cela signifie par exemple que pour alimenter la croissance américaine entre 2008 et 2022, la FED a créé artificiellement (sans création de richesse) des liquidités pour un montant de plus de 8000 milliards de dollars soit à peu près équivalent à l’augmentation du PIB américain sur la période. L’enjeu est donc d’y parvenir sans créer une grave récession mondiale.
Mais avec un endettement d’une ampleur jamais égalée, le succès de telles politiques est loin d’être gagné. Tout l’art sera de parvenir à modérer ces actions dans la durée afin de ne pas déstabiliser tout l’équilibre financier mondial. Un art d’équilibriste qui a également besoin de la confiance des forces en présence (investisseurs, épargnants, entreprises, consommateurs). Et de temps.

L’état des lieux étant décrit, comment peut agir l’épargnant ? La tentation est grande de laisser agir ses émotions et, dans la panique, de vendre tous ses actifs, du moins financiers. Mais on le sait d’expérience : l’émotion est bien mauvaise conseillère en matière financière. Et nombreux sont ceux qui y ont succombé en sortant des marchés financiers en 2000 ou en 2008 se privant d’une hausse des marchés financiers de 188% soit de 5% par an depuis (MSCI Monde € depuis fin 2000). Malgré les crises, les marchés actions finissent toujours par refléter la création de richesse des entreprises.

Et comment ne pas croire à cette création de valeur à l’aube des grands défis qui nous attendent : défi énergétique, défi lié à la santé et au vieillissement des populations, défis liés au réchauffement climatique et à ses enjeux pour l’agriculture ? Il existe des solutions à ces enjeux que seules les entreprises, grâce à l’innovation, sont capables d’apporter. La bonne nouvelle est que le rythme de l’innovation et des progrès technologiques progresse à une vitesse inégalée.

Il convient donc d’être sélectif dans le choix de ses investissements et privilégier les sociétés qui bénéficieront de ces tendances mais en ayant à l’esprit que désormais la valorisation doit être au centre de ses critères de sélection. Ce n’est pas parce qu’une société a d’excellentes perspectives qu’elle justifie d’être achetée à n’importe quel prix. C’est ce que réapprennent les marchés financiers. Et c’est plutôt une bonne nouvelle : la spéculation est en train de se dégonfler. Bien sûr, ce n’est pas sans douleur car un assèchement de liquidités entraîne dans un premier temps toutes les valeurs. Mais désormais, le prix d’un actif va retrouver sa réelle valeur et l’investisseur avisé pourra utiliser des critères rationnels pour se décider.

Il va enfin retrouver l’opportunité d’investir à un prix qui reflètera la véritable création de valeur par l’entreprise, ce que des taux d’intérêt à zéro voire négatifs ne permettaient plus de réaliser. La valorisation ne reflétait en effet que l’abondance de liquidités disponibles.

Il faut cependant être conscient que la transition d’un monde gorgé de liquidités vers un monde plus « normal » ne va pas se faire sans heurts. Il est donc prudent dans cette période de conserver une large diversification de ses actifs.

Conserver une part d’actions en privilégiant des sociétés dont la valorisation est raisonnable et qui sont bien positionnées pour profiter des tendances décrites ci-dessus ; sélectionner aussi des sociétés présentes sur des secteurs plus défensifs (alimentation, santé, télécommunications) offrant un rendement du dividende attractif et soutenable. Ainsi, si depuis le début de l’année, les indices boursiers sont en forte baisse, ce n’est pas le cas de toutes les actions comme Thalès (+52%), Sanofi (+13,3%), Air Liquide (+6%) pour ne citer que quelques exemples.

Détenir des actifs « défensifs » tels que l’or, le franc suisse, le dollar (du moins dans la période de restrictions des liquidités).

Ne pas hésiter à chercher du rendement dans des classes d’actifs moins traditionnelles pour l’épargnant particulier (les emprunts d’Etat chinois en sont un bon exemple).

Détenir une part d’investissements dans des fonds de « private equity ».

Conserver des liquidités que l’on pourra investir progressivement et régulièrement sans chercher à avoir le bon « timing » d’entrée et sortie sur les marchés. On le sait : un investisseur qui se serait privé des 10 meilleures séances boursières de hausse entre 2000 et 2020, n’aurait obtenu qu’un rendement annuel de 3,5% au lieu de 7,5%.

Accepter un niveau élevé de volatilité des marchés financiers.

Et surtout ne pas avoir besoin de vendre en ayant un horizon de placement à long terme.

Quant à l’immobilier, placement favori des Français, il peut aussi servir de valeur refuge à condition d’être très sélectif. Il ne faut pas oublier que l’investissement immobilier dans sa globalité peut aussi traverser des périodes de crise surtout en période de hausse des taux d’intérêt et/ou de restriction du crédit. Mais il s’agit d’un marché trop vaste et trop dépendant de facteurs locaux pour en avoir une appréciation générale.

Sans oublier l’investissement plaisir à travers le patrimoine culturel qui n’a besoin que du talent humain pour se développer.